Interview de Pierre Meffre, Directeur des Territoires à la Compagnie Nationale du Rhône (CNR)

Août 21, 2025 | Articles, Articles & Livres blancs

À l’heure où la compétitivité des chaînes logistiques dépend autant de l’efficacité des infrastructures que de la qualité des données échangées, la digitalisation s’impose comme un levier incontournable. Partenaire du projet Axe Sud Méditerranée Rhône Saône (MeRS), la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) joue un rôle clé dans le développement du transport fluvial et du report modal.

Dans cette interview, Pierre Meffre, Directeur des Territoires à la CNR, revient sur les enjeux de la digitalisation des flux de marchandises, le rôle stratégique du fleuve Rhône et les actions mises en place pour renforcer l’attractivité et la durabilité de l’axe.

Pierre, vous êtes partenaire du projet MeRS. Pourquoi la Compagnie Nationale du Rhône est partie prenante d’un Projet de Digitalisation des Flux de Marchandises à l’échelle de l’Axe Sud ?

 

Pierre Meffre : Avant de parler digitalisation, il faut rappeler qui nous sommes. La Compagnie Nationale du Rhône (CNR), c’est le concessionnaire du fleuve depuis 1934, avec trois grandes missions : produire de l’hydroélectricité, favoriser le transport fluvial et assurer l’irrigation agricole.
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Et sur le volet transport, on parle de 330 km de voies navigables, 14 écluses à grand gabarit et 18 sites industriels et fluviaux entre Lyon et la Méditerranée. Notre engagement, c’est de promouvoir le fluvial et de le rendre plus compétitif.

Le projet MeRS s’inscrit dans cette logique. Travailler avec l’État, Voies Navigables de France (VNF), mais aussi les ports de Toulon, Sète, et Fos-Marseille, c’est essentiel pour structurer une offre plus performante.

Pourquoi la digitalisation est clé dans le développement de l’Axe Sud et plus spécifiquement du report modal ?

 

Pierre Meffre : Parce que sans données, on avance à l’aveugle. On ne peut pas améliorer ce qu’on ne connaît pas. C’est l’intérêt de la digitalisation : elle nous donne la visibilité nécessaire pour fluidifier et optimiser les flux.

À la base, notre réflexion portait essentiellement sur le suivi douanier : comment mieux tracer les marchandises, réduire les délais de dédouanement sur l’axe Rhône-Saône ? Mais très vite, on a réalisé que l’enjeu était bien plus large.

Sur cet Axe Sud, nous avons une multitude d’acteurs – ports, logisticiens, opérateurs ferroviaires, compagnies maritimes, transitaires – et des connexions physiques par le rail, le fleuve et la route. La clé, c’est l’accès et le partage de la donnée.

Aujourd’hui, il ne suffit plus de transporter des marchandises, il faut savoir en temps réel  elles sont,  ça bloque et comment réagir. C’est un gain de temps, de compétitivité et de sécurité des échanges pour l’ensemble des acteurs, dès lors que les données sont partagées à travers une plateforme, un outil commun.

D’autres initiatives portées par CNR contribuent à favoriser le report modal. Quelles sont-elles ?

 

Pierre Meffre : Notre conviction, c’est que le Rhône doit être un moteur économique et écologique. On agit donc sur plusieurs leviers :

  • L’implantation d’entreprises sur nos plateformes multimodales : fleuve, rail, fluvio-maritime, route, tout doit être connecté.
  • Une offre foncière incitative : des terrains viabilisés, et destinés aux acteurs qui jouent le jeu du report modal. Dans ce cadre, nous avons notamment mis en place le Catalogue Foncier avec le GPMM, VNF, Toulon, Sète et l’association Medlink Ports (accéder au catalogue foncier)
  • Des incitations financières : si vous utilisez le fluvial ou le ferroviaire, vous bénéficiez de conditions d’installation et de loyers avantageux. Pas d’engagement sur ces modes ? Pas de remise.
  • Un accompagnement terrain : mise en relation avec les institutions, développement de nouvelles solutions logistiques, études d’opportunité…

A travers ces actions d’accompagnement, nous fixons des objectifs de report modal ambitieux. Avec CMA CGM à Lyon, par exemple, nous souhaitons passer de 50 000 à 100 000 EVP de trafic fluvial dès 2030.

Que diriez-vous à ceux qui n’ont pas encore franchi le cap de la digitalisation ?

 

Pierre Meffre : Qu’ils sont en train de prendre du retard.

Regardez ce qu’on fait à Fos. Grâce à un partenariat entre le GPMM et CNR, la zone d’échanges entre les 2 terminaux est mobilisée pour fluidifier et optimiser le traitement des barges fluviales. Résultat ? Si un terminal maritime ne peut pas traiter une barge, l’autre prend le relais immédiatement. Ça, c’est de la fluidité. Nous parlons aussi de transparence et de sécurité puisque ces mouvements sont numérisés dans le CCS CI5.

Le problème, c’est que certains ont encore cette vieille peur : « Si je partage mes données, je perds du pouvoir ». Faux ! Partager les bonnes informations, c’est rendre l’ensemble du système plus efficace.

Et puis, il ne faut pas se tromper d’adversaire. Nos concurrents, ce ne sont ni Lyon ni Marseille. Ce sont Gênes, Barcelone, Algésiras, Valence. Si on veut être la porte d’entrée du Sud de l’Europe, on doit être performants et connectés avec son hinterland. Je rappelle que le projet axe MeRS est un vecteur majeur de la performance future de la place portuaire de Fos.

Parce qu’au fond, c’est ça le message : ensemble, on est plus fort. Chacun a son expertise, chacun agit à son niveau, mais c’est seulement en jouant collectif qu’on fait bouger les lignes.

A propos du projet Axe Sud

C’est quoi ?

 

Le projet de Numérisation de l’Axe Sud – MeRS a pour objet de numériser l’ensemble de la chaine logistique de transport entre les ports maritimes méditerranéens et l’ensemble des ports intérieurs du Rhône et de la Saône

Quels sont les enjeux du projet ?

 

Ce projet doit concourir à :

  • Développer la compétitivité des différentes parties prenantes
  • Améliorer la Performance des opérations réalisées sur l’Axe
  • Veiller à la sécurisation des échanges de données

Pourquoi ce projet ?

 

Ce projet s’inscrit dans le plan “Marseille en Grand” lancé  par le Président de la République – Emmanuel Macron – le 2 septembre 2021.  Parmi les grandes orientations du plan, se trouve l’ambition de créer un Grand Port fluvio-maritime sur l’axe Méditerranée-Rhône-Saône. L’ambition a été traduite par le Comité de Coordination Inter-Logistique (CCIL) en 4 axes de travail dont un axe portant sur  la transition énergétique et numérique qui héberge le projet de numérisation.

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